Tapis rouge pour le cinéma français
Le cinéma du centre commercial Amoreiras, au nord de Lisbonne, propose des films français, deux fois par mois, en version originale dans une salle qui leur est dédiée. Un traitement de choix réservé au cinéma hexagonal, qui représente la deuxième part de marché dans le paysage cinématographique portugais.
La France au box-office
Alors qu’il était limité jusque-là à un public confidentiel et cinéphile, le cinéma français a rejoint depuis quelques années les rangs des salles grand public. Après Paulette de Jérôme Enrico en 2011 qui avait déjà fait 70.000 entrées, La cage dorée de Ruben Alves a fait littéralement s’envoler le box-office avec plus de 600 000 entrées. Le rendement de tous les films français exportés au Portugal en un an habituellement. Le film franco-portugais a même volé la vedette à la « machine » Hobbit en 2013.
De quoi attirer les gros distributeurs comme Zon, qui possède un réseau de 29 salles dans le pays et distribue la quasi-totalité des blockbusters en terre lusitanienne. Une évolution de bon augure pour Jean-Chrétien Sibertin, attaché à l’audiovisuel de l’Institut français de Lisbonne. Sur les cinq distributeurs de films hexagonaux au Portugal, quatre distribuent des films plus confidentiels, comme la société de distribution de Paulo Branco, Midas filmes ou encore Vendetta. Des œuvres, qui, si elles ne représentent pas de gros succès commerciaux, contribuent à maintenir le statut du cinéma comme « vitrine principale de la culture française au Portugal ». La 15e édition de « La fête du cinéma français » a d’ailleurs réuni l’an dernier près de 30 000 spectateurs.
La cinémathèque en peine
À la cinémathèque de Lisbonne, sublime bâtiment tout en marbre et parquet vernis, près de la place Marquès de Pombal, la programmation fait la part belle au cinéma français d’auteur. Mais les ambitions de Miguel Luis Oliveira, le responsable de la programmation, sont limitées par des problèmes administratifs qui l’empêchent de mener à bien sa mission : « Promouvoir les grands classiques comme les films méconnus », auprès des 50 000 spectateurs annuels de la cinémathèque. Des « lourdeurs administratives » qui rendent impossible le transport de copies étrangères et obligent la cinémathèque à se contenter de son stock d’archives. S’ajoute à cela la réduction des financements publics, alimentés par la taxation des recettes publicitaires et audiovisuelles qui ont chuté ces dernières années. « Nous avons dû abandonner nos projets de cycles consacrés à des réalisateurs moins connus comme Jean-Claude Brisseau ou Jacques Rozier », regrette Miguel Luis Oliveira. Pour ce cinéphile passionné qui a découvert le cinéma avec Blow Up d’Antonioni et dont l’affiche de Film Socialisme de Godard trône derrière le bureau, le récent succès commercial du cinéma français n’a rien de glorieux. Il ne mâche d’ailleurs pas ses mots concernant la récupération par Zon de ces « grandes machines publicitaires ». Pour lui, la salle « française » d’Amoreiras n’est qu’une « ghettoïsation » regrettable d’un cinéma français « insipide ». Si le 7e art français connaît un rayonnement certain au Portugal, la guerre est déclarée entre la cage dorée du cinéma d’auteur et la nouvelle vague du succès commercial.
Margaux STIVE
http://www.thelisbonomist.com/les-portugais-deroulent-le-tapis-rouge-au-cinema-francais/
Reportage en terre lisboète par la promo 68 du CJF - publié sur le site The Lisbonomist